
Pas moins de 5,1 milliards de dollars auraient été gaspillés en 2012 dans les régimes collectifs d’assurances médicaments des entreprises privées au Canada, soit plus de la moitié (52 %) du total de leurs dépenses. Il s’agit d’une des conclusions qui émane d’une étude réalisée par des chercheurs de trois universités canadiennes.
Selon Sean O’Brady, doctorant à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal et coauteur de l’étude, la gestion des programmes collectifs d’assurance médicaments dans les entreprises privées canadiennes est beaucoup moins efficace que dans le secteur public et que dans le secteur privé aux États-Unis.
Pour en arriver à ces conclusions, les chercheurs ont interrogé une vingtaine d’experts en gestion de régimes, soit des promoteurs, des syndicats, des assureurs et des consultants.
Les coûts engendrés par la prescription de médicaments dans le secteur privé au pays ont quintuplé au cours des 20 dernières années, passant de 3,6 milliards de dollars en 1993 à 15,9 milliards en 2013. Et selon les résultats de l’enquête, les mesures de contrôle des coûts mis en place par les promoteurs de régimes « relèvent plus du mythe que de la réalité ».
Si les régimes privés canadiens sont jugés inefficaces par les chercheurs, c’est en grande partie parce qu’ils acceptent de couvrir certains médicaments qui coûtent cher sans pour autant apporter de réels bénéfices à la santé des participants. « Dans les régimes privés, il y a une norme irrationnelle qui consiste à vouloir tout couvrir », estime Sean O’Brady.
Obstacles multiples
Les chercheurs ont identifié de nombreux obstacles à l’implantation de réelles mesures de contrôle des coûts au sein des régimes. La communication serait particulièrement déficiente. « Il y a un manque criant de partage d’information entre les différents intervenants, qui n’ont ni les données en mains, ni les connaissances, pour prendre les bonnes décisions. Un consultant nous a confié que personne ne connaissait vraiment les coûts des régimes d’assurance médicaments », soutient M. O’Brady.
Le rapport met aussi en lumière une certaine indifférence des compagnies d’assurance quant à la saine gestion des régimes. « Puisque les assureurs sont payés en fonction du volume de réclamations, ils n’ont pas vraiment d’intérêt à mettre en place des méthodes de contrôle de coûts réellement efficaces. Les régimes inefficaces sont plus payants pour eux », affirme le chercheur.
Une affirmation que dément toutefois Claude Di Stasio, vice-présidente, Affaires québécoises à l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes. « Pour les observateurs externes qui jugent sur la base de chiffres, il est facile de faire l’adéquation entre laxisme en contrôle et profits augmentés. Cependant, ils omettent deux éléments majeurs : la proportion importante de régimes d’avantages sociaux non assurés (RASNA) ainsi que la difficulté croissante à renouveler les contrats à cause de cette augmentation des coûts. Pour maintenir les régimes, il faut faire l’équilibre et tenter de contrôler les coûts. Les assureurs font beaucoup de ce côté, notamment en éducation, en incitation à magasiner et en substitution », souligne-t-elle.
Toujours selon l’étude, les employeurs sont aussi réticents à réviser en profondeur leur programme d’assurance collective, en retirant certains médicaments « superflus » du régime par exemple, de peur de froisser leurs employés.
Devant de tels défis, tous les acteurs interrogés s’entendent pour dire que les gouvernements devraient intervenir dans le but de standardiser et réguler les régimes privés au pays. De nombreux répondants ont même affirmé être favorables à la création d’un régime d’assurance médicaments public et universel au Canada.