Le budget 2015-2016, déposé jeudi par le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitão, se démarque par le retour à l’équilibre budgétaire, après six années consécutives de déficits. En 2014-2015, le déficit atteindra comme prévu la cible de 2,35 milliards de dollars.
Québec n’annonce aucune nouvelle augmentation de taxe ou d’impôt, ni nouvelle hausse de tarif.
Le gouvernement a plutôt conçu un plan pour alléger le fardeau fiscal des particuliers et des entreprises, mais les contribuables québécois devront se montrer patients: ce plan s’étire sur les cinq prochaines années et aucun impact réel n’est attendu durant l’année en cours.
Pour les contribuables, l’impact de ce plan sera nul en 2015-2016, et de seulement 141 millions de dollars en 2016-2017. Les réductions seront plus tangibles les années suivantes, pour offrir une baisse totale du fardeau fiscal des particuliers de l’ordre de 2 milliards d’ici 2020.
Comme promis, Québec abolira la taxe santé, mais sa disparition se fera très graduellement, et seulement à compter de 2017. Par exemple, un contribuable qui paye la taxe-santé de 200 $ cette année, devra débourser ce même montant l’an prochain, puis 125 $ en 2017, 80 $ en 2018 et rien en 2019.
Certaines mesures fiscales sont inspirées du rapport Godbout, du nom du président du groupe d’experts ayant proposé récemment une réforme majeure du régime fiscal du Québec. Ainsi, Québec crée un « bouclier fiscal » à compter de 2016, sous forme de crédit d’impôt remboursable destiné à compenser les pertes fiscales occasionnées par une augmentation de revenu.
En prévision d’une pénurie de main-d’œuvre anticipée, Québec cherchera à reporter les départs à la retraite. Le crédit d’impôt déjà offert aux travailleurs de 65 ans et plus sera accessible dès l’âge de 63 ans. Il pourrait atteindre 902 $ par an.
Les entreprises verront elles aussi leur fardeau fiscal allégé, progressivement au cours des cinq prochaines années, pour atteindre au total une baisse de 504 millions de dollars d’ici 2020. Le fardeau fiscal des PME devrait avoir chuté de 31 millions $ en 2020. Le taux d’imposition des entreprises sera revu à la baisse, en vue de stimuler l’investissement.
Le budget 2015-2016 a été qualifié de « robuste » par le ministre des Finances, Carlos Leitão. L’ère des déficits est chose du passé, a-t-il assuré en conférence de presse. « Financer des programmes avec la carte de crédit, a-t-il dit, ça, c’est fini. »
Il a renouvelé son engagement à revoir le régime fiscal en profondeur, dans le but de réduire le fardeau de taxes et d’impôts des Québécois.
Le retour à l’équilibre budgétaire est rendu possible en bonne partie grâce à un contrôle très serré des dépenses gouvernementales. Depuis une décennie, les dépenses du gouvernement augmentaient en moyenne de 4 % par année. Or, le taux de croissance des dépenses est de seulement 2,1 % en 2014-2015 et ne devrait pas dépasser 1,2 % en 2015-2016. Le défi sera de serrer la ceinture des ministères sans éliminer des services à la population.
« Le gouvernement a livré la marchandise », a commenté le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, en conférence de presse, en affichant sa détermination à pousser encore plus loin la décroissance de l’État.
Aussi, pour continuer à contenir la croissance des dépenses du gouvernement, Québec procédera au cours des prochaines années à une réorganisation majeure de l’administration gouvernementale, qui se traduira par de nombreuses fusions, restructurations et abolitions d’organismes. À terme, on anticipe ainsi des économies de l’ordre de 400 millions de dollars.
Entre autres en prévoit la fusion de la Régie des rentes du Québec avec la Commission administrative des régimes de retraite et d’assurances.
Réactions de l’opposition
Le député péquiste Nicolas Marceau, porte-parole en matière de finances, estime que l’élimination réelle du déficit, bien qu’inscrite dans le budget présenté jeudi, est fragile.
M. Marceau croit que l’importante réduction des dépenses ainsi que la faiblesse des initiatives de relance de l’économie vont avoir un impact négatif sur les recettes de l’État.
Selon l’ancien ministre des Finances, le budget des libéraux porte un dur coup au démarrage d’entreprises avec un alourdissement du fardeau fiscal des PME de trois employés et moins.
Selon M. Marceau, le ministre des Finances, Carlos Leitão, a choisi une voie périlleuse pour atteindre le déficit zéro ».
« Le chemin qui est pris en est un dans lequel on va d’une certaine façon la plus directe vers l’objectif sans se soucier des conséquences, et c’est l’erreur qui est commise, a-t-il dit. Ce n’est pas la vitesse avec laquelle on y parvient mais bien le chemin. »
M. Marceau a estimé que les mesures de stimulation de l’économie sont très modestes et ne font que corriger les erreurs de l’an dernier, notamment pour les secteurs du multimédia et des affaires électroniques.
Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a souligné que le budget de M. Leitão démontre que les libéraux ont rompu leur promesse d’abolir la taxe santé durant leur mandat, d’ici 2018.
Le chef caquiste s’est aussi moqué des mesures d’allègement fiscal prévues dans le document, en énumérant toutes celles qui n’entreront pas en vigueur avant 2017, pour les entreprises comme pour les particuliers. « Ce n’est pas le budget de 2015, c’est le budget de 2017 », a-t-il dit.
Les mesures de relance de l’économie sont modestes en 2015, 211 millions de dollars, alors que le budget total du Québec est de 100 milliards. « C’est une goutte d’eau dans l’océan, ce n’est vraiment pas sérieux. »
À lire : Rapport Godbout : hausse de taxes et baisse d’impôts