L’utilisation de médicaments pour traiter d’autres maux que ceux pour lesquels ils ont été approuvés par Santé Canada est une pratique grandissante au pays qui devrait faire l’objet d’une plus importante surveillance, affirment des experts.

Robyn Tamblyn, la directrice scientifique des Instituts de recherche en santé du Canada et chercheuse à l’Université McGill de Montréal, a dit en entrevue que l’utilisation non indiquée sur l’étiquette d’un médicament était « une réalité » et que la pratique était de plus en plus fréquente.

Selon la chercheuse, le Canada doit mettre en place un système national de surveillance pour superviser ces usages. Jusqu’à maintenant, il y a très peu de recherches sur le sujet puisque l’information n’est pas compilée, a-t-elle déploré.

Une étude dont elle a été coauteure l’an dernier a estimé que 11 % des prescriptions au Canada étaient utilisées pour des usages non approuvés et que dans 79 % de ces cas, il n’y avait pas de preuves scientifiques pour appuyer la décision du médecin de le prescrire.

L’étude a trouvé que la plupart des médicaments pris pour des usages non réglementés étaient des anticonvulsivants, des antipsychotiques et des antidépresseurs. L’étude a aussi établi que si un médicament était approuvé pour trois ou quatre usages différents par Santé Canada, il avait moins de chances d’être utilisé pour un usage non réglementé que s’il avait seulement été approuvé pour traiter un ou deux maux.

« Si un médicament est prescrit dans 99 % du temps dans des cas pour lesquels il n’a pas été étudié, on obtient soit un avantage qu’on ne connaît pas, ou l’on paie pour quelque chose qui ne fait rien ou qui cause des dommages. » — Robyn Tamblyn, chercheuse à l’Université McGill et directrice scientifique des Instituts de recherche en santé du Canada

Mme Tamblyn a proposé l’idée d’un système de surveillance de ces usages la semaine dernière au Comité du sénat sur les affaires sociales, les sciences et la technologie, et prévoit la présenter à Santé Canada plus tard ce mois-ci. L’agence fédérale a traditionnellement rejeté l’idée de réglementer l’usage des médicaments, disant qu’elle ne peut pas contrôler ce que les médecins prescrivent.

Sauf pour le Québec, la plupart des provinces n’obligent pas les médecins à dire pourquoi ils prescrivent un certain médicament ou s’il sera utilisé pour un usage non indiqué, ce qui laisse aux chercheurs le soin de se pencher sur la possibilité d’effets secondaires inconnus.