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La dépendance au travail pousse les employés à se désengager moralement, et à tolérer des pratiques contraires à l’éthique.
La dépendance au travail – connue aussi sous le mot anglais workaholism – porte des conséquences bien au-delà du seul travailleur qui en est victime.
Des chercheurs de l’Université Aston et de l’Université de Leipzig ont constaté que la dépendance au travail peut éloigner les individus de leurs valeurs morales, les rendant moins enclins à signaler des problèmes éthiques observés sur leur lieu de travail et plus susceptibles de garder le silence, même face à des pratiques douteuses.
Les chercheurs ont mené deux enquêtes sur 505 employés en Italie et 1 046 employés au Royaume-Uni, rapporte Workplace Insight.
Plus une personne est dépendante au travail, plus elle a tendance à se désengager moralement, ce qui réduit son inclination à exprimer ses préoccupations éthiques et favorise le silence, ont-ils observé.
En outre, plus les travailleurs perçoivent le climat de travail comme étant axé sur l’intérêt personnel, où le gain individuel est privilégié au détriment des normes et du bien-être collectif, plus les effets négatifs de la dépendance au travail sont amplifiés.
Dans ces environnements, les employés dépendants au travail sont encore plus enclins au désengagement moral, ce qui réduit encore davantage leur propension à soulever des questions éthiques.
Les employés dépendants au travail se convainquent que ne rien dire est sans conséquence. Ils sont aussi tentés de prioriser l’achèvement de leurs propres tâches. Les problèmes organisationnels majeurs sont mis de côté, ce qui risque de perpétuer les dommages aux employés et à l’organisation.
« Nous considérons souvent le workaholisme comme une lutte personnelle ou même comme un signe de dévouement, mais notre recherche montre qu’il a des conséquences bien plus larges. Les workaholiques, concentrés sur l’accomplissement des tâches et la réussite personnelle, ont tendance à se détacher de leurs standards moraux. Cela les amène à rationaliser leur silence face à des pratiques non éthiques, ce qui peut perpétuer des comportements et des pratiques préjudiciables aux organisations et à la société dans son ensemble », met en garde Roberta Fida, professeure de comportement organisationnel et de psychologie organisationnelle à l’Université Aston.
« Nos conclusions soulignent la nécessité pour les organisations de repenser leur culture d’entreprise, notamment dans les secteurs où la mentalité du profit prime. Lorsque dépendance au travail et culture d’intérêt personnel se conjuguent, les conséquences ne se limitent pas à l’épuisement professionnel : c’est une érosion systémique des normes éthiques qui se produit », pointe la chercheuse.