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Les régimes de retraite canadiens à prestations déterminées (PD) n’ont pas vu leur situation financière s’améliorer au deuxième trimestre 2012. C’est ce qui ressort d’études menées à la fois par Aon Hewitt, Mercer et Towers Watson.
Le nouvel indice Mercer sur la santé financière des régimes de retraite était de 77 % au 30 juin dernier, soit une baisse de 5 % par rapport au premier trimestre.
« Le taux de rendement des obligations fédérales à long terme s’est replié d’environ 30 points de base au deuxième trimestre et a fait baisser l’indice d’environ 4 %, affirme Denis Archambault, membre du partenariat, Régimes de retraite, gestion des risques et finances chez Mercer. À cela s’ajoute la faiblesse des rendements des placements, qui a fait reculer l’indice de 2 % de plus. En contrepartie, le provisionnement des déficits par les employeurs a poussé l’indice à la hausse de 1 %, ce qui se traduit par une diminution nette de l’indice de 5 % au cours du trimestre. Après une année catastrophique en 2011, les régimes de retraite se sont lentement redressés pendant les quatre premiers mois de 2012. Cependant, la chute des taux obligataires et la faiblesse des marchés boursiers en mai ont plus que neutralisé les gains réalisés jusqu’en avril. Malgré un mois de juin légèrement positif, la plupart des régimes se retrouvent désormais au même point où ils étaient au début de l’année. Les entreprises doivent mesurer les risques auxquels elles sont confrontées et mettre au point des stratégies élaborées en vue de les atténuer », ajoute-t-il.
Selon Mercer, s’il parait souvent trop coûteux pour certains promoteurs de régime de prendre des mesures énergiques afin de diminuer les risques à court terme, mettre au point une stratégie de réduction des risques à long terme permettrait d’agir plus rapidement et de réduire le risque dès que l’occasion se présentera. C’est pourquoi, selon Mercer, plusieurs promoteurs songent à de nouvelles stratégies de placement (placements alternatifs, réduction des risques ou utilisation de produits dérivés).
« Par ailleurs, un certain nombre d’initiatives récentes – par exemple, le projet de General Motors de souscrire des rentes d’une valeur de 26 milliards de dollars aux États-Unis – sont susceptibles de transformer le marché canadien de l’assurance au cours des prochaines années, ce qui permettrait même aux plus gros régimes patronaux du Canada d’adopter des stratégies de transfert des risques, » ajoute M. Archambault.
C’est le mauvais rendement des Bourses qui a mitigé le rendement positif des obligations, selon Mercer et cela a reflété sur les performances des régimes PD.
« L’indice S&P/TSX a fléchi de 5,7 % au deuxième trimestre de 2012, ramenant le rendement du premier semestre à -1,5 %, fait remarquer Mathieu Provost, conseiller principal, Consultation en gestion de placements chez Mercer. Les autres marchés n’ont fait guère mieux, l’indice MSCI EAEO ayant chuté de 5,0 % et celui des marchés émergents de 6,9 % pendant le trimestre. Un dollar canadien plus faible par rapport au dollar américain a permis à l’indice S&P 500 de générer un rendement de -0,8 %. Tous les rendements étrangers sont calculés en dollars canadiens. Les secteurs les plus faibles de l’indice composé S&P/TSX ont été les technologies de l’information, les matériaux et l’énergie. »
Une crise expliquée par l’augmentation du passif
Même son de cloche du côté d’Aon Hewitt. Pour l’entreprise spécialisée en solutions en ressources humaines, la détérioration de la situation financière des régimes de retraite est également imputable aux piètres performances des marchés boursiers et à la baisse des taux d’intérêt. Selon Aon Hewitt, le ratio de solvabilité médian d’un large échantillon de régimes de retraite est passé de 69 % à la fin mars 2012 à 66 % à la fin juin. Près de 97 % des régimes de retraite de l’échantillon d’Aon Hewitt affichait un déficit de solvabilité au mois de juin dernier.
Aon Hewitt ajoute que la crise de la solvabilité actuelle peut surtout être expliquée par l’augmentation de 46 % du passif, due en grande partie à la baisse importante des taux d’intérêt long terme utilisés dans le calcul du passif de solvabilité. « Une baisse de 1 % des taux d’intérêt long terme entraînera une augmentation de l’actif d’environ 18 % pour un régime de retraite typique », explique Claude Lockhead, associé principal et actuaire d’Aon Hewitt à Montréal.
Aon Hewitt affirme que l’actif des régimes de retraite a augmenté de 12 % depuis le 1er janvier 2010. Un régime de retraite type aurait connu un rendement annuel d’environ 4,9 % au cours de cette période, à cause de la contre-performance des Bourses (soit 2,3 % pour les actions canadiennes, 9,4 % pour les actions américaines et -1,6 % pour les actions étrangères).
Quant à savoir si les taux d’intérêt augmenteront bientôt, le conseiller en gestion de placement et actuaire d’Aon Hewitt à Toronto, André Choquet, affirme qu’il y a beaucoup de presse pour que les taux restent peu élevés. « Compte tenu de l’envergure du marché des obligations canadiennes à long terme (266 G$) comparé à la taille du marché des régimes PD (976 G$), il n’est pas étonnant que les rendements restent faibles avec une telle demande pour les obligations à long terme, dit-il. À cela s’ajoute la demande pour les obligations canadiennes de la part d’investisseurs étrangers et la table est mise pour que les promoteurs de régime doivent combler les déficits futurs à l’aide de cotisations, à moins qu’une solution à la danoise ne soit adoptée. »
« Face aux taux d’intérêt qui restent bas, les promoteurs de régimes évaluent plusieurs options pour régler leur problème de capitalisation, ajoute M. Lockhead. Leur choix varie selon qu’ils visent le court ou le long terme. »
M. Choquet, tout comme M. Archambault de Mercer, croit que l’initiative de General Motors pourrait ouvrir la porte à des opérations similaires. « L’opération récente aux États-Unis, selon laquelle une valeur de jusqu’à 26 milliards de dollars d’obligations envers les retraités a été transférée de la General Motors à la Prudential Financial, peut éventuellement ouvrir la porte à des opérations similaires. Mais tout comme le marché des obligations à long terme, le marché des rentes au Canada a une capacité limitée, de sorte que les premiers qui feront un tel transfert seront avantagés. »
Améliorer les rendements tout en diminuant les risques
Towers Watson arrive au même constat que Mercer et Aon Hewitt. Leur indice des régimes de retraite PD rend lui aussi compte des difficultés auxquelles font face les régimes PD.
« Les solutions actuellement envisagées et mises en oeuvre sont assez variées; elles vont du changement de stratégie de placement à la modification de la conception du régime, en passant par l’élimination complète du risque. Cependant, le catalyseur du changement demeure le même : la volonté de réduire le risque financier », explique David Burke, chef du secteur Retraite pour le Canada à Towers Watson.
L’indice des régimes de retraite PD de Towers Watson suit le rendement d’un régime PD fictif, entièrement provisionné et qui aurait été lancé en 2001. Pour eux, la santé financière d’un régime PD est liée à deux mesures importantes : le rendement des placements, qui fait augmenter le montant de l’actif de la caisse de retraite, ainsi que les taux d’intérêt à long terme, qui permettent de déterminer la valeur de l’actif théoriquement nécessaire à l’heure actuelle pour honorer des promesses de prestations futures qui ont été faites aux participants actuels du régime ainsi qu’aux retraités.
Pour Towers Watson, un régime de retraite PD typique (composé à 60 % d’actions et à 40 % d’obligations) aurait obtenu un rendement de 2,3 % pour la première moitié de l’année 2012. C’est donc le faible rendement des placements et les bas taux d’intérêt qui ont faire reculer l’indice des régimes de retraite PD de Tower Watson de 1,4 %.
La société ajoute que la peur et l’incertitude planent actuellement sur les marchés des capitaux. C’est la répugnance du risque qui est à l’origine de la volatilité des titres boursiers, selon Tower Watson, ce qui a pour conséquence que, dans la majorité des cas, les obligations sont vues comme des placements sécuritaires, ce qui maintient les taux d’intérêt à un bas niveau et qui, par le fait même, hausse les engagements et les coûts des régimes de retraite.
« Comme l’anémie des taux d’intérêt semble chronique, dit Jean-Jacques Chouinard, directeur, Répartition de l’actif chez Towers Watson au Canada, les répondants des régimes PD sont forcés de revoir plus rigoureusement les outils de placement qu’ils ont utilisés dans le passé pour maximiser les rendements et réduire les risques. Suivant l’exemple des régimes plus complexes et disposant d’un actif plus important, les caisses de retraite canadiennes ont de plus en plus tendance à se tourner vers les catégories d’actif non traditionnelles comme l’immobilier, les placements privés et les infrastructures. »