En convertissant à grande vitesse les régimes de retraite à prestations déterminées (PD) en régimes à cotisation déterminée, l’industrie semble être en train d’oublier les nombreux avantages procurés par les régimes PD, a affirmé Daniel Brosseau, président de Letko, Brosseau & Associés, qui a proposé quelques solutions pour assurer leur pérennité lors d’une conférence organisée par l’Institut canadien de la retraite et des avantages sociaux (ICRA).

« Le changement est dramatique. On avait un bon système qui pouvait garantir des retraites de 50 000 $ par année et on est en train de l’échanger pour un système qui offre des retraites de 15 000 $, on ne devrait pas accepter ça », a déploré Daniel Brosseau.

Pour obtenir un revenu de retraite de 50 000 $, il faudra accumuler un capital de 1 100 000 $ dans un régime CD, comparativement à 550 000 $ dans un régime PD, soit 100 % de plus, selon les calculs de M. Brosseau. Une réalité qui s’explique par des frais de gestion plus élevés dans les régimes CD et des rendements supérieurs dans les régimes PD. « Les régimes CD ont en moyenne un rendement inférieur de 2 % parce qu’il y a un manque d’expertise dans la gestion des placements », a-t-il expliqué.

Par ailleurs, certaines raisons souvent évoquées pour justifier l’abandon des régimes PD, comme les faibles rendements, ne seraient pas toujours fondées. « Sur une période de 20 ans, les rendements d’un portefeuille équilibré ont été de 7,6 % en moyenne. C’est tout à fait consistant comme bilan », a soutenu M. Brosseau, qui a ajouté que la hausse de l’espérance de vie pouvait certes se révéler problématique, mais pas au point de mettre en péril tout le système de retraite.

Le gestionnaire de portefeuille concède toutefois que le contexte règlementaire déficient a favorisé le déclin des régimes PD. L’exigence de niveaux de capitalisation élevés de même que la réduction de l’horizon d’investissement causée par des analyses actuarielles de plus en plus resserrées ont eu un effet négatif sur les rendements à long terme des régimes.

Des pistes de solutions

À la lumière de ces observations, peut-on sauver les régimes PD et offrir aux participants des retraites à la hauteur de leurs espérances? « On peut, mais on n’est pas équipé pour le faire en ce moment », répond Daniel Brosseau.

Selon lui, la pérennité des régimes à prestations déterminées passe par deux axes principaux : la maximisation des rendements et la gestion des risques.

« Tout est lié au rendement. Il faut se demander quelle catégorie d’actifs est la plus en mesure de nous offrir une retraite confortable », a soutenu M. Brosseau, qui a tenu à nuancer les craintes liées à la volatilité des marchés boursiers. « À court terme, sur une période d’un an, la volatilité des actions peut effectivement paraître importante. Mais sur une période de 30 ans, on réalise que les actions ont possiblement été les actifs les moins volatils de tous avec un rendement stable d’environ 10 %. La législation devrait accepter la volatilité à court terme pour favoriser les actifs productifs dans les régimes. »

Cette aversion pour la volatilité à court terme ainsi que le contexte règlementaire ont poussé certaines caisses de retraite à se tourner vers des stratégies d’appariement actif-passif. Mais selon M. Brosseau, le défaut de ces stratégies réside dans la trop grande proportion allouée aux titres à revenu fixe. « C’est une solution qui implique l’achat de plus d’obligations et de moins d’actions, ce qui se traduit en un coût non négligeable en terme de rendement », affirme-t-il.

Du côté de la gestion des risques, M. Brosseau plaide pour un meilleur partage entre les différentes parties. Pour ce faire, le gestionnaire de fonds propose la création de mutuelles de solvabilité et d’insolvabilité qui permettraient de partager certains risques entre les régimes.

À en croire les propos de Daniel Brosseau, les régimes PD ne sont pas condamnés à disparaître, à condition que la législation s’assouplisse et permette aux caisses de retraite d’envisager l’avenir avec un horizon plus ouvert.

« On a voulu surprotéger les régimes, mais si on a trop peur du futur, il n’y aura pas de futur. Si on continue dans la même voie, notre génération ne sera pas reconnue comme ayant été à la hauteur de la situation », a-t-il conclu.

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