
Est-ce bien une lumière que l’on aperçoit au bout du tunnel? C’est fort probable – les régimes de retraite à prestations déterminées canadiens ont terminé l’année 2013 dans l’une des meilleures situations qu’ils ont jamais connues depuis plus d’une décennie, selon l’indice Mercer qui mesure la santé des pensions. De plus, le ratio de solvabilité médian est en hausse et a atteint 93,4 % à la fin de 2013 – avec une progression impressionnante de 24,8 points de plus qu’il y a un an selon Aon Hewitt.
Ce sont là de bonnes nouvelles pour les promoteurs de régimes qui ont lutté de toute leur force contre cette combinaison dévastatrice que sont les taux d’intérêt historiquement faibles et la volatilité extrême sur les marchés boursiers.
À la lumière de tous ces signes positifs, une des questions que l’on se pose de plus en plus ces jours-ci, surtout les promoteurs de régimes qui ont pris la décision de diminuer les risques de leur portefeuille, est la suivante : le temps est-il propice à l’accroissement temporaire des risques pour profiter des circonstances plus favorables?
La question revêt de l’importance, d’autant plus que les promoteurs de régimes envisagent une hausse des taux d’intérêt. En effet, celle-ci procurerait sans aucun doute un soulagement énorme sur le plan du financement.
Mais les promoteurs de régimes devraient-ils augmenter les risques dans les régimes à prestations déterminées?
Voyons d’abord les raisons pour lesquelles les promoteurs ont pris la décision de réduire les risques en premier lieu : il s’agissait de diminuer la volatilité des capitaux de financement. L’ajout de stratégies de placements adossés au passif (SPAP) a permis à de nombreux régimes de se libérer des hauts et des bas des fluctuations du marché. Ils ont dès lors pu se concentrer sur la sélection d’éléments d’actifs correspondant au risque de taux d’intérêt d’une partie ou de la totalité de leur passif (généralement des obligations de longue durée). Pour y arriver, la plupart d’entre eux ont adopté une approche progressive : une trajectoire descendante ponctuée de facteurs déclencheurs qui réduisent le risque au fur et à mesure que le ratio de financement du régime ou que le taux d’escompte augmente avec le temps.
En se retirant de la trajectoire descendante pour se lancer à la recherche de rendements supérieurs, les régimes à prestations déterminées pourraient s’approcher plus rapidement de l’objectif d’être entièrement capitalisé. Mais est-ce que le jeu en vaut la chandelle? Malheureusement, la réponse à cette question n’est pas simple. Ainsi, tout dépend de la situation du régime et de sa tolérance au risque. Par contre, pour les promoteurs de régime qui envisagent d’augmenter le risque, voici les cinq principaux facteurs dont il faut tenir compte avant de prendre la décision :
1. Gouvernance — Les comités de pension n’ont pas pris la décision de diminuer les risques à la légère. Cette décision a certainement fait l’objet d’innombrables analyses et délibérations. Êtes-vous prêt à rouvrir le débat et recommander une mesure temporaire dans la direction opposée? Les conseils d’administration avertis et actifs pourraient être plus aptes à faire face à cette mesure. Mais dans certains cas, l’approbation du conseil en vue d’une telle décision pourrait ajouter à la confusion du processus global de réduction des risques.
2. Synchronisation avec le marché — Le but ultime de la réduction des risques est de tirer les régimes à prestations déterminées hors de la machine à faire des sous et de se concentrer sur ce qui importe avant tout : respecter la promesse en matière de pension. Les promoteurs de régimes qui reprennent des risques doivent être fermement convaincus de l’orientation des marchés au cours des quelques prochaines années. À titre d’exemple, si vous n’êtes pas sûr de la direction qu’emprunteront les taux d’intérêt (et qui l’est en réalité?), la reprise des risques n’est peut-être pas une bonne idée.
3. Tolérance au risque — Les rajustements progressifs en vue de l’atténuation des risques ont tendance à être personnalisés selon la tolérance au risque d’un régime de retraite en particulier. Si la majoration du risque échoue, le régime de retraite pourrait se retrouver dans une situation plus précaire qu’auparavant. Les régimes dont le coefficient de capitalisation est élevé (plus de 100 %) seraient plus en mesure de se remettre que ceux qui ne sont pas bien capitalisés; ces derniers pourraient devoir affronter une remontée longue et pénible.
4. Coûts — La décision portant sur l’ajout de risques occasionnera la liquidation de certains actifs et l’achat d’autres qui auront des dépenses plus élevées. Puisque la reprise de risques est une décision tactique, les promoteurs de régimes doivent comprendre que le retour vers un rajustement progressif en vue de diminuer les risques entraînera des coûts supplémentaires.
5. Cotisations — Si le calendrier du régime prévoit des cotisations élevées qui amélioreront le coefficient de capitalisation, les promoteurs de régime voudront peut-être retirer l’accroissement des risques de l’ordre du jour. Même si ce n’est pas le cas, il convient de surveiller de près les calendriers de cotisations avant d’envisager une reprise des risques.
Bien entendu, tous les promoteurs de régimes n’ont pas pris la décision de restreindre les risques, et pour ceux qui se sont abstenus, la hausse des taux d’intérêt et l’amélioration des rendements boursiers pourraient les mener vers une voie totalement différente. Mais pour ce qui est des régimes qui ont déjà entamé le processus de réduction des risques, il importe de faire preuve de prudence. S’il est dans la nature humaine d’agir de manière tactique en réponse aux conditions du marché, les promoteurs de régimes ne doivent pas perdre de vue les raisons pour lesquelles le rajustement progressif avait été mis en place au départ, soit d’assurer la viabilité et la stabilité de la situation de capitalisation du régime à long terme.
Patrick De Roy est un gestionnaire de portefeuille institutionnel auprès de Pyramis Global Advisors, au bureau de Montréal. François Pellerin est un stratège en placements guidés par le passif auprès de Pyramis Global Advisors, à Merrimack, au New Hampshire. Les énoncés ci-dessous reflètent les opinions des auteurs et ne sont pas nécessairement celles d’Avantages. Cet article a paru sur le site de Benefits Canada.