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C’est en janvier 2004 que le programme d’assurance emploi était
modifié afin de permettre le paiement de prestations de compassion aux
employés qui doivent s’absenter pour prendre soin d’un membre
de la famille gravement malade. Petit problème toutefois, certains employés
désireux de se prévaloir de ces prestations doivent le faire à
leurs risques et périls puisque le droit du travail canadien ne protège
pas nécessairement l’emploi de la personne qui voudrait s’absenter
en de telles circonstances.

Les normes du travail
Rappelons qu’au Canada, ce sont les lois sur les normes du travail qui
reconnaissent le droit de l’employé, dans certaines circonstances,
de s’absenter sans craindre pour son emploi. C’est le cas, par exemple,
des congés de deuil ainsi que des congés de maternité et
parentaux. Le système canadien fonctionne donc à deux volets :
le gouvernement fédéral régit les prestations et les provinces
régissent le droit au congé.

Or quand les nouvelles prestations de compassion sont entrées en vigueur
en janvier 2004, la plupart des lois sur les normes du travail du Canada, à
l’exception de celle du Québec et celle applicable aux entreprises
de juridiction fédérale, n’avaient pas encore été
modifiées pour reconnaître le droit d’un employé de
prendre un congé de compassion.

Mais il fallut peu de temps pour que d’autres juridictions emboîtent
le pas. Déjà, en mars 2004, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick,
la Nouvelle-Écosse, l’Île du Prince-Édouard, le Yukon
ainsi que le Nunavut avaient reconnu le droit au congé de compassion.
Le 29 juin 2004, c’était au tour de l’Ontario de modifier
sa loi sur les normes d’emploi pour reconnaître le congé
de compassion dit « congé familial ».

Dans la plupart des cas, la période pendant laquelle un employé
peut s’absenter pour un congé de compassion est de huit semaines,
mais seulement six semaines peuvent faire l’objet du paiement d’une
prestation en vertu du programme de l’assurance emploi. Diverses règles
entourent le droit à ce congé et aux prestations de compassion,
mais elles ne sont pas examinées dans cet article.

Le contexte des régimes collectifs d’épargne
et de retraite

Mais pourquoi parler des congés et des normes d’emploi dans le
contexte des régimes collectifs d’épargne et de retraite?
Tout simplement en raison des protections qui peuvent être accordées
aux avantages sociaux durant de tels congés.

Ainsi, en Ontario, la loi prévoit que la participation de l’employé
dans un régime de retraite est maintenue durant le congé familial
de huit semaines ainsi que pour le congé de maternité et parental.
L’employeur doit continuer de verser la cotisation patronale au régime,
à moins que l’employé n’avise par écrit qu’il
ne désire pas maintenir sa participation.

Au Québec, la participation d’un employé à un régime
de retraite ne doit pas être affectée du fait que l’employé
se prévaut d’un congé familial. Ce congé est d’une
période maximale de 12 semaines, mais il peut être prolongé
jusqu’à 104 semaines s’il s’agit d’une maladie
potentiellement mortelle d’un enfant. L’employeur doit maintenir
le versement de la cotisation patronale durant tout le congé sauf si
l’employé refuse ou néglige de payer la cotisation salariale
requise. Il en va de même pour le congé de maternité et
parental.

Problèmes d’application
Il est malheureux que les lois n’offrent aucune définition de l’expression
« régime de retraite ». Il devient difficile de savoir dans
quelle mesure un REÉR collectif – seul ou combiné avec un régime
de participation différée aux bénéfices(RPDB)-
une convention de retraite ou un FERR collectif est assujetti à cette
protection. De plus, ce ne sont pas toutes les provinces qui protègent
ainsi les avantages sociaux.

En outre, de façon générale selon les normes d’emploi,
les cotisations et autres droits d’un participant durant un congé
seront fondés sur un salaire présumé, c’est-à-dire
sur le revenu qu’il aurait gagné s’il était demeuré
au travail. Cette façon de faire est reconnue aux fins d’un régime
de retraite en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu conformément
aux règles de la « rétribution visée ».

Toutefois, pour les autres types de régimes, la Loi de l’impôt
sur le revenu ne reconnaît pas nécessairement de « rétribution
visée » durant une absence. C’est le cas par exemple pour
le REÉR et le RPDB. L’employeur devra alors s’assurer que
l’employé a gagné suffisamment d’argent durant l’année
fiscale pour effectuer les contributions au régime pour la période
de l’absence. Si l’employé n’a pas suffisamment de
gains admissibles, l’employeur devra compenser autrement l’impossibilité
de maintenir la participation au régime durant cette absence.

Que doit-on retenir de tout cela ?
Dans un premier temps, il est important de vérifier si les normes d’emploi
applicables aux employés visés protègent les avantages
sociaux durant un congé de compassion(ou tout autre congé selon
le cas). Il se peut qu’il n’y ait aucune protection.

Toutefois, si la loi prévoit le maintien de la participation à
un « régime de retraite », on peut généralement
affirmer que l’obligation de maintenir la participation s’appliquera
aux régimes de retraite à cotisation déterminée
(incluant le régime de retraite simplifié du Québec)et
aux régimes de retraite à prestations déterminées.

Pour tous les autres types de régimes collectifs d’épargne,
un examen attentif de la loi et des règles applicables en droit du travail
est requis afin de déterminer si l’obligation s’applique.
En raison des nombreuses difficultés d’interprétation liées
aux dispositions des normes du travail et des contextes fort différents
de mise en place des régimes collectifs d’épargne d’une
entreprise à l’autre, il revient à chaque employeur de déterminer
si de telles exigences s’appliquent aux régimes d’épargne
offerts à ses employés.

De plus, l’employeur devra porter une attention particulière aux
situations pour lesquelles la Loi de l’impôt sur le revenu ne prévoit
pas de « rétribution visée » afin de s’assurer
que les limites fiscales soient respectées. Si les limites fiscales portaient
préjudice à l’employé, il faudra examiner dans quelle
mesure le manque à gagner pourra être compensé.

MARIE-CHANTAL CLOUTIER, LL.L., est consultante principale, Conformité,
Régimes d’épargne et de retraite collectifs pour la Standard Life
à Montréal.