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Les caisses de retraite canadiennes devraient pouvoir investir dans les aéroports du pays de la même façon qu’elles le font partout dans le monde, plaide l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, aujourd’hui mandaté par le gouvernement fédéral pour inciter les investisseurs institutionnels à déployer une plus grande partie de leur actif au pays.
C’est que les investissements privés ne sont pas autorisés dans les aéroports canadiens, même si le gouvernement s’est retiré de la propriété de ceux-ci dans les années 1990, explique le Financial Post. Depuis, les 23 plus grands aéroports du pays font partie du Réseau national des aéroports, un regroupement d’autorités aéroportuaires locales fonctionnant comme des sociétés sans but lucratif et sans capital-actions. Le gouvernement fédéral perçoit des loyers et peut nommer jusqu’à deux personnes au conseil d’administration de chaque administration aéroportuaire.
Dans le cadre de la structure actuelle, des baux fonciers de plusieurs décennies couvrent tous les terrains, bâtiments et structures des aéroports, ainsi que certaines routes et certains ponts qui permettent d’accéder aux aéroports. Le gouvernement fédéral devrait modifier les règles pour permettre aux caisses de retraite d’investir directement dans les aéroports canadiens. Car leur appétit pour ce type d’investissement n’est plus à démontrer.
Les grandes caisses de retraite du pays ont en effet déployé des milliards de dollars de capitaux dans des aéroports à l’étranger au cours des dernières décennies. En 2020, le Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l’Ontario (RREO) s’est vanté d’être le plus grand investisseur privé dans les aéroports européens, avec des participations dans les aéroports de Londres, Bristol, Birmingham, Bruxelles et Copenhague, bien que sa participation dans ce dernier ait été vendue cette année. En 2006, La Caisse de dépôt et placement du Québec faisait partie d’un consortium qui a investi près de 25 G$ dans l’aéroport londonien d’Heathrow. Elle détient toujours une partie de ces investissements. Investissements PSP a pour sa part pris une participation de 40 % dans Aerostar Airport Holdings, qui exploite un aéroport international à San Juan à Porto Rico, en 2017 pour compléter les installations aéroportuaires que le fonds possédait déjà à Athènes et à Budapest, ainsi qu’à Düsseldorf et à Hambourg, en Allemagne.
Stephen Poloz explique s’être entretenu avec des représentants des principales caisses de retraite canadiennes, et il affirme que leur intérêt de déployer des capitaux dans les aéroports du pays est palpable, même si cela signifie détenir des positions minoritaires. « Si les fonds de pension pouvaient détenir 40 ou 49 % d’un aéroport, cela leur conviendrait parfaitement, soutient-il. Mais ils aimeraient avoir un siège à la table des négociations, et nous voudrions qu’ils y soient parce qu’ils possèdent d’autres aéroports. Ils ont une expertise à offrir. »
Encore de la résistance
L’ancien gouverneur de la Banque du Canada ne se fait toutefois pas d’illusions. Le pays est au milieu d’un cycle électoral, et il est peu probable que des changements aux règles en vigueur aient lieu avant un certain temps. D’autant plus qu’il y a encore aujourd’hui beaucoup de résistance pour l’ouverture aux investisseurs privés dans les infrastructures au pays. Claude Lamoureux, ancien chef de la direction du RREO dans les années 1990 note qu’il y a par exemple très peu d’autoroutes à péage au Canada, ou encore de réseaux d’eau ou d’égouts accessibles aux investisseurs institutionnels. « Si vous vous souvenez bien, le pont Samuel-de-Champlain, à Montréal, était censé être un pont à péage, mais les politiciens ont fait en sorte qu’il ne le soit pas. »
Les syndicats pourraient aussi voir d’un mauvais œil une entrée des investisseurs institutionnels dans le capital des aéroports, car ceux-ci pourraient être plus susceptibles de chercher à réduire les coûts pour maximiser le rendement. Stephen Poloz dit avoir consulté les syndicats sur le sujet, et qu’ils étaient effectivement préoccupés par les pertes d’emplois potentielles. Mais selon lui, il s’agit davantage d’un élément à prendre en considération lors de la structuration d’un accord plutôt que d’un élément susceptible de briser un tel accord.
M. Poloz souligné que les caisses de retraite ont investi dans de nombreuses entreprises dont les employés sont syndiqués. En outre, de nombreux travailleurs syndiqués bénéficient d’un régime de retraite, en plus des prestations qu’ils recevront du Régime de rentes du Québec ou du Régime de pensions du Canada. « Les syndicats pourraient même souhaiter que ces fonds de retraite soient davantage investis dans leur pays, estime M. Poloz. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un véritable obstacle. Il s’agit d’une solution gagnant-gagnant. »
Une solution à court terme
En attendant une potentielle modification règlementaire qui permettrait aux investisseurs institutionnels d’accéder directement au capital des aéroports canadiens, les caisses de retraite pourraient déployer des capitaux dans des actifs adjacents, comme des stationnements, des services de fret ou encore de nouvelles installations de carburant d’aviation durable
Selon les règles en vigueur, M. Poloz a indiqué que ces actifs et services auxiliaires autonomes pourraient être placés dans des structures ad hoc. « Tout ce dont on aurait besoin, c’est d’un accord sur la part de loyer qui revient au gouvernement et celle qui reste aux détenteurs de capitaux de la structure ad hoc », soutient-il.