AVANTAGES: Étant donné le nouveau contexte et l’absence
de contraintes d’ordre législatif, à partir de quel moment
les investisseurs institutionnels devraient-ils songer à augmenter leurs
placements sur les marchés étrangers, particulièrement
dans le domaine des titres à revenu fixe?
COMME C’ÉTAIT LE CAS AUPARAVANT, les investisseurs institutionnels
canadiens doivent avant tout tenir compte de la nature de leurs obligations
futures. Pour nombre de ces investisseurs, les marchés canadiens des
titres à revenu fixe demeureront le principal marché de placement,
ne serait-ce que pour des questions de risque. Puisque leurs obligations sont
principalement liées aux salaires, à l’inflation et à
la croissance économique au Canada, l’essentiel de leur actif doit être
constitué de titres canadiens à revenu fixe. Cependant, pour presque
tous ces investisseurs, l’élimination de la limite relative aux
placements étrangers ouvre des possibilités très intéressantes,
tant en ce qui concerne la diversification du risque que l’élargissement
de l’éventail des occasions de placement.
AVANTAGES:
Est-ce que l’élimination de la limite aura des répercussions
différentes sur les grandes et les petites caisses de retraite?
LES GRANDES CAISSES COMME LES PETITES pourront tirer profit de l’élimination
de la limite relative aux placements étrangers. Bon nombre de grandes
caisses canadiennes ont une taille disproportionnée par rapport à
celle du marché obligataire canadien. Par conséquent, ces grandes
caisses sont proportionnellement trop exposées aux risques que présentent
certains émetteurs d’obligations canadiennes et aux taux d’intérêt
canadiens. La possibilité d’avoir accès à des titres
d’emprunt non canadiens constitue une excellente occasion de diversifier
les placements dans des titres moins bien cotés et non corrélés,
ce qui peut améliorer considérablement le profil de risque d’une
caisse. Du point de vue des occasions à saisir, les grandes caisses canadiennes
comme les petites seront beaucoup mieux positionnées pour tirer profit
des occasions de placement dans des titres à revenu fixe offrant un rendement
plus élevé, comprenant les obligations à haut rendement
et les titres d’emprunt des marchés émergents.
AVANTAGES: Vous avez déclaré que les investisseurs institutionnels
canadiens qui achètent des titres à revenu fixe continueront à
privilégier le marché obligataire canadien. Que prévoyez-vous
pour l’avenir?
À TRES LONG TERME, le rendement annualisé moyen(moyenne géométrique)
des obligations du gouvernement du Canada a oscillé autour de 5 %, soit
un pourcentage semblable à celui qu’ont affiché les États-Unis
et d’autres pays développés(tableau 1). Cela est vrai à
la fois en devises locales et en dollars canadiens. Compte tenu de l’inflation
(moyenne d’environ 3 % par année au Canada et dans la plupart des
autres pays développés au cours du XXe siècle), le rendement
réel à long terme sur les obligations gouvernementales au Canada,
aux États-Unis et dans la plupart des autres pays développés
s’établit à quelque 2 %. Nous estimons qu’il s’agit
d’une approximation raisonnable du taux de rendement réel sans
risque, qui est lié au taux sous-jacent de croissance de la productivité
d’une économie donnée et nous n’avons aucune raison
de supposer que ce taux sera très différent à l’avenir.
Cependant, il peut y avoir des écarts importants par rapport à
ces moyennes à long terme. Par exemple, au cours des dernières
décennies, le rendement réel des obligations a été
beaucoup plus élevé. En fait, depuis 1980, le rendement réel
annuel moyen des obligations gouvernementales, au Canada et dans d’autres
pays développés(tableau 2), a oscillé autour de 7 %. Le
phénomène s’explique par le fait que le recul à long
terme de l’inflation, bien plus important et durable que prévu,
a entraîné les taux d’intérêt à la baisse
et procuré aux porteurs d’obligations des gains en capital phénoménaux.
AVANTAGES: À quoi pouvons-nous nous attendre des marchés
obligataires des économies émergentes?
NOMBRE DE CES MARCHÉS n’existent que depuis peu de temps, mais
depuis 1993, un investisseur canadien effectuant des placements dans un indice
d’obligations gouvernementales de marchés émergents aurait
obtenu un taux de rendement réel annualisé d’environ 10,5
%(en dollars canadiens, rajusté en fonction de l’inflation au
Canada), soit quelque 2 % de plus qu’un placement en obligations gouvernementales
du Canada, des États-Unis ou d’autres pays développés.
À l’avenir, on ne devrait pas s’attendre à ce que
ces types de rendement réel soient de nouveau au rendez-vous(encore
une fois, parce que l’inflation et les taux d’intérêt
sont déjà à des bas niveaux); cependant, les titres d’emprunt
des marchés émergents devraient encore procurer une prime de rendement
de 1% à 2% par année comparativement à ceux des marchés
développés, compensant ainsi le risque plus élevé
qu’ils présentent et leur liquidité inférieure.
AVANTAGES: Étant donné l’élimination de la limite,
il semble probable que les investisseurs institutionnels canadiens qui effectuent
des placements dans des titres à revenu fixe examineront de plus près
les stratégies d’ « alpha portable ». Comment les définiriez-vous
et quels en sont les avantages potentiels?
CES STRATÉGIES SONT DES PRODUITS DE PLACEMENT qui cherchent à
produire un rendement total absolu plutôt qu’un rendement excédentaire
à un indice de référence donné. Le concept sous-jacent
consiste à enlever le rendement de l’indice de référence
(ou bêta du marché)et à ne conserver que le rendement total
positif, qui n’est pas corrélé avec aucun indice de référence.
L’« alpha portable » peut alors être combiné
à un autre rendement bêta du marché, de sorte qu’un
rendement excédentaire puisse être produit dans une catégorie
d’actif ou un secteur, alors que le rendement indiciel est tiré
d’une catégorie d’actif n’ayant aucun lien avec ce
dernier.
Les méthodes d’ « alpha portable » ont comme avantage
de permettre la séparation des sources de risque, ce qui produit un meilleur
profil risque/rendement pour les actifs d’une caisse de retraite. Les
promoteurs de caisse de retraite peuvent embaucher des gestionnaires qui reproduiront
les risques du marché dont ils cherchent à se protéger
(par exemple, qui correspondent à leurs engagements financiers), puis
trouver un ensemble de gestionnaires non corrélés possédant
des compétences particulières dans des stratégies offrant
de bonnes possibilités de générer de l’alpha. Une
caisse ayant une telle structure devrait offrir un rendement attendu supérieur
par unité de risque, ce qui entraînerait une amélioration
du rendement de la caisse dans le temps.
AVANTAGES:
Pouvez-vous nommer quelques stratégies d’ « alpha portable
» que pourraient envisager les investisseurs institutionnels?
LES STRATÉGIES D’ « ALPHA PORTABLE » ont certainement
leur place à l’intérieur de diverses stratégies de
placement dans des titres à revenu fixe. Particulièrement dans
la foulée de l’élimination de la limite relative aux placements
étrangers, les caisses de retraite peuvent maintenant rechercher des
gestionnaires qui se servent des stratégies d’« alpha portable
» pour des placements autres que ceux en titres à revenu fixe,
comme les placements dans les fonds de couverture ou des fonds d’arbitrage
de titres convertibles. Une méthode consiste à détenir
des obligations afin d’obtenir le rendement du marché des titres
à revenu fixe, puis à y ajouter un produit d’affectation
d’actif mondial, qui utiliserait des produits dérivés afin
d’obtenir des rendements dépassant celui du portefeuille d’obligations.
AVANTAGES : À votre avis, quelles sont les caractéristiques
les plus importantes qu’un promoteur de caisse de retraite devrait prendre
en compte au moment du choix d’un gestionnaire de portefeuille à
revenu fixe?
LE PROMOTEUR DEVRAIT D’ABORD rechercher chez un tel gestionnaire une compréhension
approfondie et complète du risque et du rendement sur les marchés
des titres à revenu fixe. Il doit avant tout s’assurer que les
risques pris sont raisonnables et mesurés, et qu’ils représentent
une source de rendements positifs potentiels.
AVANTAGES: Est-ce que les caractéristiques varient d’un secteur
à l’autre ?
Bien sûr. Par exemple, il faudrait qu’un gestionnaire de portefeuilles
de titres à revenu fixe exerçant ses activités surtout
sur les marchés des titres d’emprunt au Canada connaisse bien les
risques liés aux titres d’emprunt provinciaux, la volatilité
des écarts et les sources de rendement excédentaire dans le secteur
des titres d’emprunt provinciaux. Comparativement aux marchés européen
ou américain, le marché canadien des titres d’emprunt des
sociétés n’offrent pas une profondeur suffisante ou des
opportunités de diversification. Donc, le marché canadien des
titres d’emprunt des sociétés présente moins d’occasions
d’améliorer le rendement que certains marchés étrangers.
Par contre, sur le marché américain des titres d’emprunt
des sociétés, la diversification est beaucoup plus grande et les
liquidités sont supérieures, étant donné la taille
des émissions. Donc, le gestionnaire de portefeuilles obligataires qui
se concentre sur le marché américain des titres d’emprunt
devrait être en mesure de dégager des rendements excédentaires
importants en mettant l’accent sur les titres d’emprunt de certaines
sociétés dans le portefeuille. Donc, le gestionnaire de portefeuilles
obligataires américains devrait comprendre les sources des écarts
de rendement entre les titres d’emprunt, connaître la probabilité
de défaut de chaque émetteur, être en mesure de déterminer
les secteurs particulièrement intéressants à un moment
donné et les besoins de diversification afin d’éviter la
présence de risques non systématiques pouvant entraîner
l’éclatement des portefeuilles.
AVANTAGES: Pourriez-vous indiquer quels obstacles potentiels les investisseurs
canadiens pourraient devoir affronter à la suite de l’élimination
de la limite relative aux placements étrangers?
LES INVESTISSEURS CANADIENS DEVRAIENT SE RAPPELER que le simple fait de répartir
les avoirs sur un grand nombre de marchés à des fins de diversification
n’entraîne pas en soi la constitution d’un meilleur portefeuille.
Ironiquement, nous avons appris en 1998 que, au moment précisément
où un portefeuille tirerait le plus profit de placements sans corrélations
– dans un marché en chute rapide – les corrélations
ont tendance à augmenter, annulant ainsi les avantages de cette stratégie
et rendant le portefeuille encore plus instable que prévu. Au moment
où les investisseurs se tournent vers des stratégies axées
sur de nombreux marchés, ils doivent se rappeler que l’analyse
de la valeur à risque(VAR), les erreurs de calquage et les estimations
semblables du risque ne sont justement que des estimations, qui donnent un indice
de l’instabilité potentielle, mais que l’on ne peut utiliser
comme des outils précis de prévision des écarts de rendement
d’un portefeuille. Au fur et à mesure que les caisses de retraite
seront plus actives sur les autres marchés mondiaux, ils doivent trouver
des gestionnaires qui admettent qu’il y a une imprécision inhérente
à la modélisation du risque des marchés financiers et qui
essaient de définir le risque au moyen de techniques variées,
dans le but de le comprendre sous des angles différents.