En 1997, le Québec a instauré le Régime général d’assurance médicaments (RGAM). Dans l’ensemble, ce régime mixte sert bien l’intérêt des Québécois, mais certains problèmes majeurs perdurent depuis longtemps. Le coût des médicaments est un enjeu de taille pour les promoteurs de régimes privés qui, rappelons-le, couvrent plus de 55 % de la population et le système actuel comporte de nombreuses iniquités auxquelles il devient pressant de s’attaquer. Il en va de la survie du modèle actuel.

Voici une liste des enjeux les plus criants auxquels font face les promoteurs de régimes privés; nous espérons qu’à titre de nouveau ministre de la Santé, vous serez sensible à leur réalité et y apporterez des solutions dans un avenir rapproché.

Des écarts de prix inacceptables

Les écarts de prix entre les montants facturés à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) et ceux facturés aux régimes privés sont croissants. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a historiquement utilisé son pouvoir de législation et de négociation avec l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP), au détriment des régimes privés. Les promoteurs de régimes privés, il faut en convenir, représentent un marché fragmenté et peu organisé à ce jour. Les assureurs, par le biais de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP), se sont portés à la défense de l’intérêt de leurs clients, mais ce, de façon assez timide jusqu’à maintenant. Il y a lieu de rappeler que les assureurs n’assument pas ultimement la facture du coût des médicaments. Ce sont les personnes assurées par les régimes privés qui paient véritablement la note, directement ou indirectement.

La fameuse clause 28.2

Les promoteurs de régimes privés ayant des employés au Québec sont assujettis à toutes sortes de règles qui limitent leur capacité à introduire des mesures de contrôle des coûts qui, bien que répandues ailleurs au Canada, ne sont pas permises au Québec. Ces contraintes privent les employeurs d’économies importantes résultant par exemple de la substitution générique, de la thérapie par étape ou d’un contrôle sur les montants excessifs facturés par certaines pharmacies. Cette situation est d’autant plus inacceptable que la législation, soit la clause 28.2 de la Loi sur l’assurance médicaments, permet à la RAMQ de se soustraire à ces contraintes pour contrôler les coûts du régime public. Dans le cadre d’un régime mixte, nous espérons que vous mettrez fin à cette politique de « deux poids, deux mesures » en accordant ces mêmes privilèges aux régimes privés.

Aucun pouvoir relativement à la liste de médicaments à couvrir

Depuis 1997, les gouvernements successifs ont refusé de donner aux promoteurs de régimes privés un quelconque pouvoir de décision quant à la liste de médicaments qu’ils ont l’obligation de rembourser. Cependant, le gouvernement ne cesse d’allonger unilatéralement cette liste en ajoutant, par exemple, les médicaments prescrits dans le cadre du Programme québécois de procréation assistée. Ces derniers s’avèrent l’une des principales sources de croissance des coûts pour certains régimes privés. Nous saluons la volonté que vous avez exprimée le 24 avril dernier de réévaluer ce programme. Un autre exemple récent fut la décision de votre prédécesseur de forcer les régimes privés, en février dernier, à rembourser quatre médicaments oraux pour le traitement du cancer qui avaient été rejetés par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS). Cette ingérence politique dans des décisions cliniques est, à notre avis, inacceptable.

Des ententes de partage de risque souhaitables

Le gouvernement refuse de conclure, avec les manufacturiers de médicaments, des ententes de partage de risques ou « escomptes volume », notamment dans le cas de médicaments rejetés par l’INESSS en raison du faible ratio coûts-bénéfices. De telles ententes, qui bénéficient à tous les intervenants, sont en place dans les autres provinces. À ce jour, le MSSS a refusé de participer aux regroupements de provinces visant à négocier des prix plus bas avec les manufacturiers. Le Québec est-il si riche qu’il peut se permettre de faire cavalier seul ?

Plus de transparence sur le plan du prix des médicaments

L’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ), dont le mandat est la protection des patients, n’est pas intervenu pour gérer les montants excessifs facturés par certaines pharmacies. De plus, l’OPQ invoque le code de déontologie pour freiner la libre concurrence entre pharmacies et, avec l’AQPP, fait obstacle aux stratégies de contrôle de coûts qui gagnent en popularité dans toutes les autres provinces, comme la pharmacie postale et les réseaux de pharmacies privilégiées.

Les organisations nationales, employeurs et syndicats, se plaignent, à juste titre, de contraintes légales et politiques qui les empêchent d’adopter des stratégies de gestion favorisant un contrôle des coûts et une utilisation optimale des médicaments. Rappelons que les régimes privés paient une prime établie en fonction des coûts réels, contrairement à la RAMQ, dont la prime d’assurance médicaments tient compte du fait que les coûts sont payés à 59,7 % par les contribuables. Pire, ils sont privés des économies résultant d’ententes négociées entre les manufacturiers et les assureurs comme celle intervenue récemment entre Janssen et la Financière Sun Life sur le Remicade.

Puisqu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, souhaitons que votre arrivée soit le début d’un temps nouveau. Un temps d’échanges constructifs entre tous les intervenants impliqués, y compris les promoteurs de régimes privés qui paient la facture pour une majorité de Québécois ! Le système mixte fonctionne bien. Il peut fonctionner encore mieux. Toutes les parties sont prêtes à mettre l’épaule à la roue ! Profitons-en et mettons en place les changements nécessaires. Bon succès !

Johanne Brosseau est conseillère principale et Marie-Josée Le Blanc est membre du partenariat, Santé et avantages sociaux chez Mercer.