«C’est très difficile de faire des prévisions, surtout à propos du futur ! » Cette expression, attribuée à Niels Bohr, physicien danois et lauréat du prix Nobel de physique en 1922, n’a jamais semblé aussi vraie que ces dernières années, alors que les signes précurseurs ont été difficiles à repérer. Ils le sont toujours du reste.

Le diagnostic

Comme point de départ, nous vous proposons un très bref survol des événements marquants, selon nous, de l’année 2013 pour essayer de déceler quelques tendances qui pourraient éclore en 2014.

Notons d’emblée l’intrusion d’éléments politiques dans la dynamique économique. Bien que l’année qui s’achève ait été plutôt calme sur la scène européenne, hormis l’écueil chypriote en mars, on ne peut en dire autant pour les États-Unis qui sont retournés sur la voie de la confrontation en octobre quant aux autorisations de dépenser et d’emprunter. Plutôt que d’en arriver à une solution, démocrates et républicains ont convenu de reprendre les hostilités en janvier et février prochains. Bien que le climat et la teneur des négociations demeurent inconnus, on peut supposer que les discussions ne seront pas harmonieuses, contribuant ainsi à entretenir un climat économique malsain en ce début d’année d’élections de mi-mandat.

On doit aussi souligner la persistance de l’interventionnisme monétaire. Aux États-Unis, plusieurs observateurs avaient plutôt misé sur une réduction graduelle des achats d’obligations du Trésor par la Réserve fédérale dès septembre. La banque centrale des États-Unis les a surpris en confirmant que la taille des achats d’obligations demeurerait la même, soit 85 milliards de dollars à chaque mois, dont 45 milliards $ d’obligations du gouvernement fédéral et 40 milliards $ de titres d’agences de garantie de prêts hypothécaires.

Toujours en septembre, nous apprenions que Janet Yellen succéderait à Ben Bernanke à la tête de la Réserve fédérale américaine, mettant ainsi fin à un certain suspense. Cette nomination, en supposant qu’elle soit confirmée par le Congrès des États-Unis, diminue aussi l’incertitude quant à la direction de la politique monétaire, puisque la nouvelle présidente de la Fed suivra vraisemblablement la voie tracée par son prédécesseur.

Au Canada, Stephen Poloz, le nouveau gouverneur de la banque centrale du pays, a laissé sa marque quant à la direction de la politique monétaire canadienne en octobre, en laissant tomber le biais de resserrement qui avait été instauré par son prédécesseur, parti diriger les destinées de la Banque d’Angleterre. Il prête ainsi lui aussi un œil attentif à l’évolution de la conjoncture économique canadienne dans l’établissement des taux de court terme.

Mais il n’y a pas qu’en Amérique que les banques centrales se sentent obligées d’intervenir. En avril, la Banque du Japon imitait la Fed à plus forte dose encore et implantait son programme d’assouplissement qualitatif et quantitatif. Elle a agi ainsi sous la direction du gouvernement pour contrer la faible inflation, voire la déflation qui afflige l’économie nippone depuis près de 20 ans. Cette opération vise à redonner vie à l’activité économique, car le poids du vieillissement et la diminution de la population pèsent structurellement sur la croissance.

Le pronostic

Alors, que nous réserve 2014 ?

Comme on le dit lors des soirées électorales, si la tendance se maintient, on devrait retrouver l’an prochain une conjoncture qui ressemble à celle de cette année, c’est-à-dire des banques centrales soucieuses d’abord et avant tout de la santé de l’économie et un contexte politique peu fertile à l’élaboration de solutions durables.

Alors, la tendance se maintiendra-t-elle ? L’activité économique semble encore dépendante de la politique monétaire. En matière de taux directeurs, les principales banques centrales devraient donc garder le cap malgré le risque, bien réel, de créer une accoutumance aux stimulants monétaires. (À noter l’utilisation du conditionnel puisque la force des doses s’opère en fonction de la santé de l’économie.) Qui plus est, la liquidité importante amenée par les nombreux programmes d’assouplissements quantitatifs a vraisemblablement gonflé la valeur de plusieurs actifs financiers et le tarissement de cette source, s’il devait survenir l’an prochain, pourrait bien briser la tendance haussière de leurs cours.

À l’aube de 2014, nous nous retrouvons avec une conjoncture encore parsemée d’incertitudes. Dans ce contexte, la croissance économique mondiale devrait continuer sur son erre d’aller plutôt modeste.

Le maintien des bas taux d’intérêt par les banques centrales apportera son soutien aux cours boursiers en 2014. Toutefois, en l’absence d’une croissance économique plus forte et d’un regain de confiance des entreprises, étant donné les nombreuses incertitudes, la croissance des profits reflétera davantage le contrôle des coûts que la croissance du chiffre d’affaires. Cette recette devrait être moins propice au maintien des forts rendements récents.

Quant au rendement du marché obligataire, la poursuite des interventions des banques centrales endiguera la hausse des taux alors qu’à l’inverse, la possibilité de fortes baisses de taux est limitée par leur niveau encore bas. On devrait donc s’attendre à ce que le marché obligataire offre un rendement qui tourne autour du rendement à l’échéance actuel du marché.

En résumé, les blessures laissées par la grande récession de 2008-2009 devraient demeurer bien visibles encore en 2014. Le protocole de guérison suivi jusqu’ici n’a pas permis à l’économie et aux marchés financiers de retrouver leur pleine autonomie. Il serait surprenant qu’ils se retrouvent libérés de leur dépendance aux analgésiques monétaires dès l’an prochain.

Benoît Durocher est vice-président exécutif et chef stratège économique à Addenda Capital.