Plus nous attendons avant d’apporter des ajustements au Régime des rentes du Québec, plus l’écart va s’accroître entre le niveau des cotisations requises et leur juste valeur, démontre une nouvelle étude publiée par le C.D. Howe. C’est pourquoi, selon le rapport, le gouvernement québécois doit agir rapidement et s’assurer que le coût du refinancement du Régime des rentes est partagé équitablement entre les prestataires actuels et les futurs cotisants.

La situation financière du Régime de rentes du Québec (RRQ) s’est grandement détériorée avec les pertes importantes de plus de 26 % enregistrées l’an dernier par la Caisse de dépôt et placement du Québec. Le RRQ se trouvait déjà dans une position précaire avant ces pertes, ce qui ne fait qu’accentuer le besoin d’apporter des ajustements au Régime pour assurer un financement stable à long terme.

L’une des hypothèses suggérées par Alexandre Laurin, l’auteur du rapport, est de cesser – ou de limiter – temporairement l’indexation des rentes de retraite. Ces actions permettront de préserver la stabilité financière à long terme promise par la réforme entreprise en 1998.

Un régime sous-capitalisé
Jusqu’en 1998, le mode de financement adopté du RRQ était plus près d’un financement par répartition que d’un financement par capitalisation. Autrement dit, les cotisations des travailleurs servaient presque entièrement à financer les prestations courantes, sans que l’on y accumule une capitalisation suffisante pour générer des revenus de placement importants.

En conséquence, le Régime est sous-capitalisé, ce qui signifie que le taux de cotisation requis dépend principalement du rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de prestataires ainsi que de la croissance économique.

Depuis 2003, le taux de cotisation des employés est de 9,9 %, réparti équitablement entre l’employé et l’employeur. Ce taux devait permettre de générer des recettes supérieures aux sorties de fonds jusqu’au milieu des années 2010 et ainsi mener à l’accumulation d’une capitalisation pour le Régime engendrant un rendement suffisant pour compenser le manque à gagner croissant des cotisations par rapport aux sorties de fonds courantes.

Par contre, la dernière estimation actuarielle du Régime montre que le taux actuel de 9,9 % ne suffit plus à engendrer la capitalisation voulue et les revenus de placement requis afin d’assurer la stabilité de ce taux dans le futur. En effet, la capitalisation du Régime, en proportion des sorties de fonds de l’année suivante, s’effritera graduellement à partir de 2017 jusqu’à son élimination en 2049. Lorsque la réserve sera épuisée, le taux de cotisation devra alors passer à 12,8 % afin d’assurer le paiement de la totalité des prestations du Régime.

À sec en 2037 ?
Les pertes inattendues de 9 milliards de dollars dans la caisse du régime, l’an dernier, accentuent le sentiment d’urgence. Compte tenu des pertes de 2008, la capitalisation du régime au taux actuel pourrait s’épuiser dès 2037, soit 12 ans plus tôt que prévus. Cela veut donc dire que le taux d’équilibre devrait passer à 11,1 %, dès 2010, pour assurer un financement stable du régime.

Plus on attend, plus le taux d’équilibre du Régime s’approchera de sa valeur maximale qui oscillera entre 12,4 % et 12,8 % au moment où la caisse du régime sera complètement épuisée. Avec une population vieillissante, il devient très coûteux de se priver de revenus de placement pour le Régime.

Dans le rapport, l’auteur explique qu’à long terme, il serait bénéfique, mais peu réaliste, de recapitaliser entièrement le régime. Cela permettrait d’abaisser le taux de cotisation à son niveau le plus bas requis. Ce taux se situerait aujourd’hui aux alentours de 6 %, selon ses estimations.

Pour en arriver là, il faudrait toutefois augmenter considérablement le taux de cotisation et le garder longuement au-dessus du taux de cotisation par répartition, précise le rapport. Ensuite, le taux pourrait diminuer petit à petit sur une très longue période jusqu’à ce qu’il atteigne son plus bas niveau lorsque le régime serait pleinement capitalisé. Par contre, cette solution est peu attrayante, car elle imposerait aux prochaines générations tout le fardeau de rembourser le sous-financement des générations passées et elle pourrait nuire grandement à la compétitivité du Québec.

Des solutions plus réalistes
L’auteur estime que les solutions proposées par la Régie des rentes sont plus réalistes. Parmi elles, on remarque l’ajustement des rentes pour conjoint survivant et pour enfants orphelins, la mise en place d’incitatifs pour favoriser le travail après 60 ans en permettant aux travailleurs âgés de gagner un revenu de travail tout en touchant une rente de retraite, et enfin, la modification du calcul de la rente de retraite et d’invalidité.

Ces ajustements proposés permettraient de réduire le taux de cotisation requis pour atteindre l’équilibre à long terme de 11,1 % à 10,8 %. Il s’agit d’un pas dans la bonne direction, mais il faudrait davantage afin de limiter la hausse du taux de cotisation.

C’est ainsi que l’auteur du rapport suggère de geler temporairement (ou limiter) l’indexation des rentes au coût de la vie de manière à partager plus équitablement le fardeau du refinancement du Régime entre les prestataires courants et les générations futures.

Une autre piste de solution serait de hausser l’âge normal de la retraite, actuellement fixé à 65 ans, pour faire face à l’accroissement de l’espérance de vie, tout en préservant l’âge minimum de départ à la retraite (60 ans) et accompagné d’une augmentation symétrique de la période de rajustement à la hausse de la rente passé l’âge normal de la retraite. Ceci aurait généralement pour effet de diminuer le montant des rentes de retraite pour la plupart des nouveaux retraités.