La volatilité des marchés a récemment été, pour dire le moins, époustouflante. Si on en croit l’indice VIX, la fin de 2008, en particulier, a donné des records sans précédent (voir le graphique ci-dessous). Qui plus est, la volatilité se maintient toujours à des niveaux au-dessus des tendances de long terme.


Source: CBOE

L’indice VIX de volatilité sur les cinq dernières années, au début juin 2009

Par conséquent, il peut devenir logique de voir la volatilité (une variable de second ordre par rapport aux mouvements de prix eux-mêmes) comme une influence sous-tendant la performance des placements. En clair, la volatilité peut-elle être vue comme une nouvelle source de rendements, de diminution et de gestion du risque, bref comme une nouvelle catégorie d’actif?

C’est ce que soutient essentiellement Marie Brière, chercheuse et gestionnaire chez Crédit Agricole Asset Management (CAAM). Mme Brière présentait l’état de ses travaux dans le cadre d’un récent déjeuner conférence de la société CFA de Montréal. Mme Brière et ses co-auteurs1 ont analysé la possibilité d’investir en volatilité afin de diversifier un portefeuille et d’en bonifier les rendements. Plus précisément, la recherche porte sur l’investissement en volatilité de deux façons: en positions en compte («long») en contrats à terme VIX et en positions à découvert («short») en swaps de variance portant sur l’indice S&P 500. Le but de la manœuvre est double: établir une exposition aux variations de volatilité comme telles (par les contrats à terme VIX) et arbitrager les différences entre volatilité implicite et la volatilité réalisée Ex Post (grâce aux positions en swaps de variance susmentionnées).
Les constats empiriques montrent que la volatilité affiche des corrélations somme toute négatives avec les actions et les obligations propres aux portefeuilles types. On a donc un potentiel nouveau de diversification.

De telles stratégies à base de volatilité visent à accéder à trois sources principales de performance:

  1. Le retour à la moyenne («reversion to mean»);
  2. Les variations à court terme de la volatilité;
  3. La répartition géographique des positions (États-Unis, Europe, Asie).

Le rendement long terme de la volatilité est à toutes fins pratiquenul. Toutefois, des variations intérimaires importantes créent des occasions, qui complémentent la performance de portefeuilles plus classique. Les variations à court terme s’apparentent d<ailleurs à la gestion tactique des actifs. À l’intérieur des tendances de retour à la moyenne, un processus d’indexation de la volatilité permet de donner des signaux d’achat et de vente de volatilité, sur- et sous-pondérant les positions selon les valeurs par rapport à cette référence d’indexation.

La diversification géographique constitue un troisième axe de gestion:


Source : CAAM

Les écarts de volatilité entre régions permettent un axe additionnel de répartition

Selon les recherches des trois auteurs, l’approche en compte de contrats à terme VIX a pour rôle de diversifier le portefeuille (réduction du risque) alors que l’approche basée sur les swaps de variance bonifie les rendements. Ces deux approches sont donc complémentaires. En fait, une combinaison astucieuse de ces deux approches permet d’améliorer la frontière efficiente (dans l’espace rendements/VaR).


Source : Brière, Burgues et Signori, Op.Cit.

Les frontières efficientes contenant la gestion de volatilité dominent les frontières efficientes n’en tenant pas compte (période: fév. 1990- août 2008)

Que peut-on conclure de ces travaux? Premièrement, les niveaux de volatilité récemment observés donnent une bonne plausibilité à la gestion de volatilité. Deuxièmement, les constats empiriques sur la période 2000-2008 (la période sur laquelle portent les recherches) semblent soutenir les occasions de bonification de portefeuille qui sont mentionnées. Enfin, les instruments dérivés de gestion de volatilité retenus sont bien connus, existent depuis assez longtemps et sont transparents (leur construction est facile à comprendre).

Quelles peuvent être alors les limites de cette approche? Selon les auteurs, la période 1990-2008 peut être vue comme assez spécifique et les niveaux de volatilité constatés pourraient être quelque peu atypiques. On notera tout de même que cette période, longue, a subi plusieurs phases de «crise» qui donnent une variabilité somme toute importante. Rien ne garantit bien sûr que les volatilités futures seront du même ordre que celle déjà constatées. On pourrait également objecter à de telles stratégies qu’elles pourraient être sensibles à la liquidité des instruments les composant. S’il devient difficile de transiger à prix raisonnable des swaps de variance ou des contrats à terme VIX lorsque la crise de volatilité survient, l’exécution des stratégies pourrait en être affectée. Ceci est toutefois une question empirique et l’expérience peut donner la réponse à cette question. Enfin, les auteurs mentionnent que des stratégies de plus court terme, tactiques, pourraient être envisagées et méritent des recherches plus poussées.

De façon plus large, peut-on considérer la volatilité comme catégorie d’actif? La question est intéressante car la volatilité est une variable de second ordre, donc induite en quelque sorte par les mouvements de premier ordre des catégories d’actif classiques. Cela n’indique pas qu’on ne devrait pas gérer la volatilité! Toutefois, les spécialistes devront trancher cette question.

D’autre part, dans un contexte de gestion de risque accrue, selon laquelle les budgets de risque, l’étude des scénarios de détresse, l’analyse de sensibilité des portefeuilles en situation extrême prennent une importance nouvelle. La gestion de volatilité pourrait constituer à la fois un axe additionnel de gestion de risque et une manière par laquelle les gestionnaires de caisses de retraite peuvent utiliser tous les moyens à leur disposition pour implanter une réelle gestion des risques.