
La dépression est aujourd’hui considérée comme l’une des pathologies les plus répandues et les plus coûteuses à l’échelle mondiale. Au Canada seulement, elle toucherait des centaines de milliers de travailleurs.
Mais toutes ces statistiques sont-elles exagérées? C’est ce qu’affirme un article paru la semaine dernière dans le Journal de l’Association médicale canadienne (JAMC).
Selon ses auteurs, la majorité des études surestiment la prévalence de la dépression en raison de l’utilisation d’outils de dépistage inadéquats, rapporte Le Devoir. Brett Thombs, chercheur à l’Institut Davis de l’Hôpital général juif et professeur au département de psychiatrie de l’Université McGill, et ses collègues s’inquiètent des conséquences d’une telle exagération, qui pourrait mener certains médecins à prescrire des antidépresseurs à des patients qui ne souffrent pas réellement de dépression.
Dans la majorité des études portant sur la prévalence de la maladie, les chercheurs font appel à des questionnaires de dépistage que les patients remplissent eux-mêmes. Le problème, c’est que les résultats de ces questionnaires font état d’une prévalence de la dépression de deux à trois fois plus élevée que celle observée en procédant à des entretiens en personne avec des spécialistes en santé mentale.
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Les questionnaires d’auto-évaluation sont populaires chez les cliniciens et les chercheurs parce qu’ils sont faciles à utiliser et beaucoup moins coûteux que les entretiens diagnostics. « Les médecins n’ont pas le temps de discuter en détail avec tous leurs patients de santé mentale, d’en faire une évaluation complète; cela irait au-delà des capacités du système de santé et de nos médecins de famille », explique le Dr Thombs.
Des ressources mal utilisées
Les auteurs de l’article s’inquiètent que les faux diagnostics induits par ces questionnaires poussent certains cliniciens à prescrire des traitements antidépresseurs pour traiter des patients qui ne sont pas vraiment en dépression. En plus de ne tirer aucun bénéfice de tels traitements, ces personnes accaparent de précieuses ressources qui seraient bien plus utiles ailleurs.
« Si le nombre de personnes en dépression est gonflé, alors que nous disposons de ressources limitées, voire réduites, nous ne pourrons venir en aide adéquatement aux personnes qui ont véritablement besoin de soins. Nous le voyons actuellement, certaines personnes en dépression n’ont pas accès facilement aux services et aux soins qui leur sont nécessaires », déplore M. Thombs.
Lui et ses collègues insistent donc sur le fait qu’une évaluation de la santé mentale d’un patient ne peut pas passer uniquement par un questionnaire d’auto-évaluation.