
Alors que les politiciens québécois débattent quant à savoir si le gestionnaire provincial du régime de retraite public devrait intervenir afin de protéger les compagnies québécoises, son homologue fédéral affirme que de jouer avec les risques politiques sape le but premier d’un tel gestionnaire, qui est de maximiser les rendements du capital investir de millions de Canadiens.
Le président de l’Office d’investissement du Régime de pension du Canada, Mark Wiseman, a affirmé la semaine dernière qu’il n’y a pas de place pour la politique publique dans le mandat du gestionnaire de fonds, et que c’est son indépendance vis-à-vis des gouvernements (fédéral ou provincial), qui est l’une de ses principales forces.
Mark Wiseman a aussi expliqué que d’intervenir dans le débat politique « peut rendre confus le mandat » des régimes de retraite, dont celui du Régime de pension du Canada (RPC).
« Ce serait beaucoup plus compliqué s’il y avait à la fois un organe politique et un organe d’investissement, a-t-il dit. Pour nous, notre travail est très clair, nous laissons la politique publique à ceux qui font partie du gouvernement et ils nous laissent agir quant à l’investissement. Nous n’avons jamais été influencés ou poussés à faire des investissements à des fins politiques. »
Pendant ce temps, au Québec, des voix s’élèvent pour qu’on élargisse le rôle de la Caisse de dépôt et placement (CDP), dont le mandat est d’aider l’économie de la province. Plusieurs politiciens ont proposé d’utiliser la CDP afin d’empêcher les prises de contrôle par des intérêts étrangers de sociétés québécoises importantes.
La Coalition Avenir Québec (CAQ) a promis de forcer la CDP à investir dans les grandes entreprises du Québec, afin de les protéger des prises de contrôle par des intérêts étrangers.
Cette promesse arrive alors que la chaîne de quincaillerie Rona a fait face il y a quelques semaines à une offre d’achat hostile de la part du géant américain Lowe’s, tout juste avant le déclenchement de la campagne électorale au Québec. Le gouvernement de Jean Charest a dénoncé cette offre d’achat.
La chef du Parti Québécois, Pauline Marois, a elle aussi proposé, devant un magasin Rona, d’utiliser 10 milliards d’argent de la CDP pour, là encore, éviter les prises de contrôle étrangères.
Tout un contraste avec les propos de Mark Wiseman, qui dit que l’indépendance est « encastrée dans la structure et la gouvernance » du gestionnaire de fonds, qui investit l’argent qui n’est pas nécessaire au RPC afin de payer les prestations courantes en vertu du régime.
« Nous ne sommes pas un organe de la politique publique, nous avons la chance d’avoir un but très précis, qui est d’essayer et de maximiser les rendements pondérés en fonction des risques à long terme pour nos prestations. »
L’Office a annoncé vendredi dernier que le RPC avait obtenu un rendement de 0,5 % au dernier trimestre, battant ainsi les marchés et malgré les taux d’intérêt affaiblis, en raison des craintes quant à l’économie mondiale.
« Ces marchés des actions étaient pour la plupart, à travers le monde, en baisse pour le trimestre, mais là encore, nous parlons d’une période de 90 jours », explique Mark Wiseman.
L’actuaire en chef du Canada a affirmé plus tôt cette année que le fonds a besoin d’un rendement moyen de 4 % annuellement, pour être en mesure de se maintenir pour les 75 prochaines années. Le rendement du fonds, en moyenne sur dix ans, est de 6,3 %.
« Nous avons accompli cela dans un environnement où les taux d’intérêt sont bas », explique Mark Wiseman, ajoutant que le fonds a été conçu afin qu’il mette l’accent sur un horizon de placement à long terme, ce qui revient à dire que les fluctuations à court terme ne sont pas une préoccupation majeure.
« Cela nous permet d’avoir une forte proportion d’expositions aux actions dans le fonds, ce qui est plus volatil, j’en conviens, dans une courte période de temps, mais qui permettra de forts rendements à long terme. »
L’Office affirme que le RPC détenait environ 165,8 milliards de dollars en actifs nets au 30 juin dernier, une hausse comparativement au 161,6 milliards au 31 mars dernier. L’actif net a été stimulé par 800 millions de revenu provenant des placements et 3,5 milliards de contributions nettes du RPC.
Comme ces rendements ont été touchés récemment par les marchés boursiers, le fonds a également annoncé un certain nombre d’investissements privés dans les secteurs stables, comme l’immobilier, les infrastructures et les services publics.
La semaine dernière, l’Office a annoncé un partenariat d’investissement de 890 millions de dollars américains afin de développer l’immobilier industriel aux États-Unis, son premier d’investissement direct dans le secteur.
Mais, le gestionnaire de fonds n’a pas changé de stratégie pour augmenter l’investissement privé à cause de sa préoccupation quant aux marchés des actions, spécifie Mark Wiseman.
« Ce n’est pas parce que nous avons un regard particulièrement négatif — ou positif — sur les marchés des actions. Nous croyons que les marchés des actions, à long terme, continueront de jouer un rôle important dans la construction de portefeuilles », ajoute-t-il.
Au 30 juin dernier, le fonds était composé de 84 milliards de dollars d’investissement dans les actions privées et publiques (soit environ 50,9 % du portefeuille), de 54,3 milliards de dollars de titres de revenu fixe (32,7 %) et de 27,2 milliards de dollars en investissement dans l’immobilier et les infrastructures (16,4 %).