Plusieurs situations telles que des difficultés économiques, des innovations technologiques et des changements touchant les biens ou services offerts peuvent contraindre un employeur à devoir réduire sa main-d’œuvre. Un licenciement, qu’il soit individuel ou collectif, ne constitue pas un événement heureux, ni pour l’employeur, ni pour les employés. De surcroît, cela peut s’avérer un processus complexe et lourd de conséquences. Il est donc primordial pour un employeur de bien connaître les obligations qui lui incombent dans un tel cas afin, notamment, de minimiser les risques de poursuites.

Déterminer la loi applicable

Les obligations de l’employeur quant aux avis à donner, aux conditions à maintenir pendant la période de préavis de cessation d’emploi et aux indemnités à verser, le cas échéant, sont généralement décrites dans les lois régissant les normes minimales de l’emploi comme la Loi sur les normes du travail au Québec. Ces lois régissent les conditions d’emploi de la plupart des employés, mais il existe des exceptions.

Les lois sur les normes de l’emploi varient selon la province. Il est donc important de déterminer le lieu de travail des employés visés par le licenciement et ensuite de vérifier si la loi provinciale en question s’applique à eux. Certaines catégories d’employés ne sont pas visées par les dispositions de ces lois. Au Québec, c’est le cas notamment des employés qui ne comptent pas trois mois de service continu. Par ailleurs, si l’entreprise œuvre dans un domaine de compétence fédérale, tel que le transport interprovincial ou le secteur bancaire, elle sera régie plutôt par les lois fédérales en matière d’emploi, dont le Code canadien du travail.

Licenciement individuel ou collectif ?

Les lois sur les normes de l’emploi prévoient des exigences minimales d’avis à donner en cas de licenciement individuel et collectif.

Lorsque l’employeur met fin à l’emploi d’un seul employé pour des motifs non imputables à ce dernier, il s’agit normalement d’un licenciement individuel. L’employeur devra alors donner à l’employé un avis minimal de cessation d’emploi dont la durée varie, généralement, en fonction du nombre d’années de service continu. Toutefois, l’obligation de l’employeur à cet égard se limite rarement à l’avis minimal de cessation d’emploi prévu par les lois sur les normes du travail. En plus de cet avis minimal, l’employé peut également avoir droit à l’avis raisonnable (délai congé) prévu par le Code civil du Québec ou à l’avis raisonnable prévu par la common law dans les autres provinces canadiennes.

Dans certaines juridictions, comme en Ontario, l’employeur devra aussi, dans certaines circonstances prévues par la loi, verser une indemnité de cessation d’emploi. Cette dernière diffère de l’indemnité compensatrice qui est remise à la place de l’avis minimal de cessation d’emploi et de l’avis raisonnable prévu par le Code civil du Québec ou la common law.

Dans le cas où l’employeur envisage une fermeture d’entreprise, de division ou d’usine ou tout simplement lorsqu’il prévoit mettre fin à l’emploi d’un groupe d’employés, il pourrait aussi devoir respecter les exigences supplémentaires applicables aux licenciements collectifs imposées par certaines lois provinciales ou fédérales sur les normes du travail.

Comment savoir si un événement constitue un licenciement collectif ? La définition varie selon la loi applicable. Au Québec, par exemple, le fait de mettre fin à l’emploi de dix employés ou plus d’un même établissement au cours d’une période de deux mois consécutifs constitue un licenciement collectif.

L’employeur devra donc respecter les dispositions de la loi concernant le licenciement collectif, le cas échéant. Il pourra avoir notamment l’obligation de donner un avis de licenciement collectif. Cet avis est distinct de celui de cessation d’emploi. Au Québec, la loi prévoit spécifiquement que l’employeur qui procède à un licenciement collectif n’est pas dispensé de donner l’avis minimal de cessation d’emploi requis lors d’un licenciement individuel.

La durée de l’avis de licenciement collectif peut varier en fonction du nombre d’employés visés par le licenciement. C’est pourquoi il est important de déterminer ce nombre, de même que la période sur laquelle s’échelonnent les licenciements. Au Québec, l’avis de licenciement collectif peut être d’une durée de huit, 12 ou 16 semaines, selon le nombre d’employés visés.

Enfin, il est tout aussi important de vérifier si l’employeur a d’autres obligations contractuelles relativement aux avis ou aux indemnités prévues dans la convention collective, dans le cas d’employés syndiqués, ou dans le contrat de travail dans le cas des non syndiqués. Il ne faut pas oublier que les lois sur les normes du travail sont généralement des lois d’ordre public auxquelles on ne peut déroger. Par contre, ces lois fixent des normes minimales, et rien n’empêcherait un employeur de faire preuve de plus de générosité. Ainsi, une convention collective pourrait prévoir des délais de cessation d’emploi plus longs que ceux prescrits par la loi.

Assurances collectives

Pour déterminer l’effet d’un licenciement sur les assurances collectives, il faudra d’abord tenir compte des exigences prévues par les lois applicables. Celles-ci contiennent parfois des dispositions spécifiques sur l’obligation de l’employeur de maintenir les assurances collectives pendant l’avis minimal de cessation d’emploi ou pendant l’avis de licenciement collectif. De plus, dans certains cas, le droit civil ou la common law, ainsi que la jurisprudence, peuvent également imposer à l’employeur l’obligation de maintenir la protection pour une période plus longue que celle correspondant aux avis minimaux prévus par la loi.

Dans un deuxième temps, il faudra tenir compte de la façon dont l’employeur envisage d’effectuer le licenciement. En effet, certaines considérations pratiques peuvent avoir une incidence sur l’obligation de maintenir les assurances collectives. Par exemple, les employés vont-ils travailler ou non pendant la période correspondant à l’avis de licenciement ? Rappelons qu’il faut se reporter aux exigences légales pour déterminer si l’employeur a une obligation de maintenir les assurances collectives ou s’il peut plutôt offrir aux employés une indemnité qui les compense pour la perte des protections. On pourrait également envisager une combinaison des deux : une période travaillée pendant laquelle les assurances collectives sont maintenues et une indemnité compensatrice pour le restant de la période d’avis prescrite.

Risques pour l’employeur

Les affaires Colard au Québec et Alcatel en Ontario illustrent bien l’importance pour un employeur de connaître et de respecter ses obligations relatives au maintien des assurances collectives. Dans l’affaire Colard, l’employeur n’avait pas maintenu l’assurance vie pendant le préavis de trois mois prévu contractuellement. Par conséquent, l’employeur a été tenu de verser une partie de la prestation d’assurance vie à la succession de l’employé décédé pendant la période de préavis. Dans l’affaire Alcatel, l’employeur n’avait pas maintenu l’assurance invalidité pendant toute la période de préavis raisonnable, alors qu’il était requis de le faire. Il a donc été contraint de verser les prestations d’assurance invalidité à la place de l’assureur, car l’invalidité était survenue pendant la période durant laquelle l’employé aurait dû être couvert et ce, jusqu’à la fin de l’invalidité.

Par ailleurs, le maintien des assurances n’est pas exempt de risques financiers, car si une réclamation survient pendant la période où l’employé bénéficie des protections, le régime d’assurance collective de l’employeur devra assumer le coût de la réclamation.

Il faut parfois aussi composer avec certaines difficultés pratiques. En effet, il peut s’avérer compliqué d’obtenir le maintien de certaines protections auprès de l’assureur lorsque les employés ne sont plus en poste. Certains assureurs sont réticents à maintenir les protections d’invalidité et d’assurance voyage. Si on envisage de procéder à un licenciement, il est important de consulter son conseiller en assurances collectives pour évaluer les options offertes et les risques qui y sont associés.

La meilleure façon pour un employeur de minimiser les risques de poursuite est de s’assurer de bien respecter les exigences légales applicables. C’est pourquoi il est essentiel de bien connaître les obligations imposées par les lois, le droit commun, la jurisprudence, la convention collective et le contrat de travail. Il est tout aussi important de maintenir une bonne communication avec les employés pendant cette période difficile que constitue le licenciement. Une bonne stratégie de communication devrait permettre aux employés licenciés de bien comprendre les conditions entourant la fin de leur emploi.

Il importe aussi de ne pas négliger l’aspect humain entourant un licenciement. Le processus devrait être mené de façon professionnelle, avec compassion, dignité et respect afin de démontrer aux employés que l’employeur tient à les traiter de façon juste même dans une période difficile. Un employé traité de façon respectueuse aura moins tendance à vouloir poursuivre son ancien employeur. L’employeur qui tient compte de cet aspect contribue également à atténuer les effets néfastes d’un licenciement sur la motivation des employés qui restent.

Thaïs Pinto est avocate et conseillère au sein du domaine Santé chez Mercer.