
Avec la pénurie anticipée de la main-d’œuvre et la disparition graduelle des régimes à prestations déterminées (PD), de plus en plus de Québécois continueront de travailler au-delà de l’âge de 65 ans et seront sollicités par des employeurs en raison de leur vaste expertise. Toutefois, à l’heure actuelle, peu d’employeurs ont adapté leur régime à cette nouvelle réalité, qui s’installe lentement mais sûrement. Ceux-ci devront donc faire montre de créativité afin d’attirer et surtout de retenir cette main-d’œuvre.
Quelles sont les différentes solutions possibles pour chaque protection normalement offerte en assurance collective ?
Assurance vie
Présentement, les régimes d’assurance vie se terminent généralement à la retraite. Par contre, une diminution de 50 % de la protection à l’âge de 65 ans constitue la pratique la plus usuelle. Selon des analyses actuarielles, cette réduction se justifie en raison des coûts importants liés à l’âge et n’est donc pas considérée comme discriminatoire.
On juge aussi que les besoins d’assurance se montrent normalement moins importants à cet âge. La réalité risque d’être probablement toute autre dans les prochaines années et la pression redoublera sans doute pour éliminer cette pratique. Comme l’impact sur les taux sera important en raison du risque accru que représentent ces employés, certains employeurs seront tentés de conserver la réduction et de la compenser autrement dans un souci de rémunération globale équitable, par le biais du versement d’un montant au compte de gestion santé, par exemple.
Assurance invalidité de longue durée
La norme présentement en vigueur dans l’industrie consiste à terminer cette protection au plus tard à l’âge de 65 ans, puisque les personnes invalides ont accès à différentes sources de revenus, gouvernementales ou autres, à partir de cet âge. Avec les reports prévus de l’âge normal de la retraite à un âge ultérieur à 65 ans – pensons à la Régie des rentes du Québec –, ainsi que ceux qui viendront dans un avenir plutôt rapproché, la demande s’accroîtra pour offrir des régimes d’invalidité de longue durée prévoyant le versement d’une prestation après cet âge.
L’impact du coût additionnel lié au prolongement du versement de la prestation pèsera lourd si le changement n’est pas bien balisé. Une solution possible consisterait à conserver la fin des paiements à l’âge de 65 ans, mais à prévoir une durée de paiement n’excédant pas deux ans (ou toute autre durée raisonnable) pour les employés qui deviennent invalides lorsqu’ils ont près de 65 ans et pour les travailleurs de plus de 65 ans. L’effet serait ainsi nul pour tous ceux ayant 63 ans ou moins. Du même coup, on limiterait l’effet sur le taux de prime, si l’on compare cette solution à la possibilité de terminer le paiement pour tous à 67 ans.
Assurance maladie et soins dentaires
Le régime de soins dentaires pose moins problème puisque la terminaison de la protection se produit souvent à l’âge de 70 ans ou à la retraite, si antérieure. L’élimination de l’âge limite de 70 ans s’avère une solution facile et n’engendra pas nécessairement de coûts additionnels exorbitants. En effet, les risques de réclamations catastrophiques sont nuls en raison des maximums annuels prévus dans ce genre de régime d’assurance.
Il en va autrement de l’assurance maladie en raison de l’obligation d’offrir au minimum un régime d’assurance médicaments équivalent à celui de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), peu importe l’âge du travailleur. À 65 ans, les employés choisissent entre le régime de la RAMQ et le régime de leur employeur. Différentes pratiques existent déjà à cet égard et elles seront sans doute encore offertes malgré l’augmentation du nombre d’assurés plus âgés que 65 ans.
Si la loi sur le régime universel d’assurance médicaments oblige les promoteurs de régimes privés à offrir la protection au-delà de l’âge de 65 ans, elle n’empêche toutefois pas ceux-ci d’exiger des primes additionnelles en raison des risques accrus de réclamations importantes au-delà de cet âge. C’est pourquoi la pratique la plus courante consiste à ajouter une surprime souvent supérieure à 200 $ par mois pour un contrat individuel, et le double pour un contrat familial pour les assurés de 65 ans et plus.
L’objectif visé est très simple : faire en sorte que ces assurés souscrivent au régime de la RAMQ pour les frais de médicaments lorsqu’ils atteignent l’âge de 65 ans. Lorsque cette pratique est utilisée, le promoteur possède différentes options quant à la protection de cette catégorie d’employés :
- Ne rembourser aucun médicament, le régime universel étant considéré suffisant
- Rembourser la différence entre ce qui est payé par la RAMQ et ce qui aurait été remboursé par le régime (donc seulement les médicaments sur la liste de la RAMQ)
- Agir comme au point précédent et en plus rembourser les médicaments non couverts par la RAMQ
On comprend aisément que cette dernière option soit moins fréquente en raison des coûts importants qu’elle génère parfois. Chez les employeurs appliquant une stratégie semblable à celles mentionnées ci-dessus, nous avons observé que la tarification pour ce groupe d’âge pouvait être revue à la baisse.
Dans un souci de rémunération juste et équitable pour tous, certains employeurs voudront donc compenser cette économie en payant une partie ou la totalité de la prime de l’employé à la RAMQ, ou en offrant un compte de gestion santé pouvant atteindre l’économie de prime réalisée.
Une autre pratique, beaucoup moins courante, consiste à garder les assurés sous le même régime après l’âge de 65 ans, sans surprime. L’employé se désiste alors de sa couverture auprès de la RAMQ et bénéficie de la même protection offerte aux autres assurés plus jeunes. Cette pratique s’avère très équitable du point de vue de la rémunération globale. Certains la justifient par le fait que peu d’assurés travaillent après l’âge de 65 ans. D’autres mentionnent en plus que si les assurés travaillent au-delà de cet âge, cela démontre leur bonne santé. Par contre, on ne connait pas l’état de santé du conjoint. Cette pratique plus généreuse peut donc avoir une incidence importante sur les coûts futurs du régime.
Perspective
Que fera le gouvernement au cours des prochaines années ? Laissera-t-il le choix d’opter pour le régime de médicaments de la RAMQ à l’âge de 65 ans ou reportera-t-il l’âge à 67 ans en synchronie avec l’âge normal de retraite pour recevoir la pleine prestation de retraite de la Régie des rentes ? Si tel devait être le cas, il en résulterait un impact à la hausse sur les taux de prime du régime des employeurs.
Quelles que soient les solutions retenues par les employeurs, ceux-ci devront toujours garder en tête que ce groupe d’aînés se tournera sans doute vers des entreprises lui offrant une rémunération compétitive et comparable à celle offerte aux travailleurs de moins de 65 ans. Des possibilités monétaires et des modifications aux régimes d’assurance pour pallier aux pertes de protection liés à leur âge sauront donc attirer ces travailleurs et retenir leur attention.
Jacques Hébert est associé au sein de la pratique Assurance collective au bureau de Montréal d’Aon Hewitt.